Pour ce troisième Majeur de l’année, le Rolex Grand Slam of Show Jumping traverse l’océan Atlantique, direction le CSIO Spruce Meadows 'Masters'. C’est là que du 4 au 8 septembre, les meilleurs couples se réunissent pour cinq jours de compétition internationale acharnée dans un cadre saisissant.
L’une des manifestations les plus attendues du calendrier hippique et épreuve phare de ce jeudi, la CANA Cup a rassemblé 44 couples désireux de nous montrer leur agilité, précision et endurance. Ces cavaliers de renommée mondiale souhaitaient non seulement briguer la victoire dans cette prestigieuse épreuve mais espéraient aussi se qualifier pour le Grand Prix CPKC ‘International’ présenté par Rolex de dimanche.
Dans ce parterre de célébrités du monde équestre, on trouvait notamment André Thieme, actuel prétendant au Rolex Grand Slam of Show Jumping, mais aussi Ben Maher, triple médaillé d’or olympique, sans oublier le Suisse Martin Fuchs, gagnant en titre du Grand Prix CPKC ‘International’ présenté par Rolex, encore une fois accompagné de Leone Jei.
Pour le plus grand plaisir du public, c’est la Canadienne Erynn Ballard qui dompte en premier le magnifique parcours de Leopoldo Palacios. Sa compatriote Tiffany Foster la rejoint bientôt dans la liste de départ du barrage, après un sans-faute. À la première pause, ce sont huit cavaliers qui ont signé le sans faute, dont Kevin Staut et Daniel Deusser, tous deux Témoignages Rolex, et les Américains Mclain Ward et Lillie Keenan.
Les sans faute s’accumulent, comme celui de Richard Vogel, déjà gagnant de l’épreuve l’an passé. Cependant, plusieurs favoris ne font pas les résultats attendus, comme le Britannique Scott Brash, seul cavalier à avoir déjà remporté le Rolex Grand Slam of Show Jumping, ou le numéro un irlandais Daniel Coyle, qui écopent respectivement de pénalités de temps et de quatre points.
Au total, 17 cavaliers franchissent la ligne d’arrivée du parcours à 1,55 m sans accrocs, dont l’un (Armando Trapote) choisira de ne pas participer au barrage. Les cavaliers étant appelés à entrer en piste dans le même ordre qu’à la première manche, c’est Erynn Ballard qui se présente et qui donne une fois encore le ton avec un sans-faute en 43”41. Renommé pour sa rapidité, le Britannique Matthew Sampson et son étalon gris Daniel semblent être sur le point de battre ce chrono. Mais l’ajout de foulées en amont du dernier oxer marqué CANA leur vaudra une seconde place provisoire.
Ballard parvient à s’accrocher en tête du palmarès jusqu’à l’entrée de Max Kühner sur la célèbre Piste internationale. Celui-ci franchit la ligne d’arrivée 0,76 seconde plus vite que la Canadienne. Mais il ne retient la première position qu’un bref moment : le prochain à se présenter est Richard Vogel, Témoignage Rolex, accompagné de son étalon United Touch S qui use de son énorme foulée pour gagner plus d’une seconde au chrono. Parmi les trois cavaliers encore en lice se trouvent Steve Guerdat et Ben Maher, numéro 2 et numéro 3 mondiaux. Mais même ceux-ci ne pourront pas égaler la performance du jeune Allemand qui décroche donc une deuxième victoire consécutive dans cette épreuve.
Heureux, Vogel nous confie : « United Touch S a été formidable, il adore l’atmosphère et la piste ici à Spruce Meadows. Je l’ai senti en forme, j’espère qu’il le sera toujours pour le Grand Prix de dimanche. Je n’ai pas besoin de trop le pousser dans le barrage, car il a une foulée très puissante et il se retrouve très vite au grand galop. C’est notre plus grand atout : il est capable de sauter en suivant son rythme naturel. Nous essayons d’en tirer parti le plus possible, et aujourd’hui cela nous a réussi. »
Pouvez-vous nous expliquer ce qui fait du CSIO Spruce Meadows ‘Masters’ un concours vraiment unique?
Spruce Meadows est un site respectueux de la tradition des sports équestres. L’équipe s’évertue à garder un environnement aussi naturel que possible, en recyclant autant que possible et en protégeant le cadre. Avec leurs longues barres, les obstacles du CSIO Spruce Meadows ‘Masters’ sont différents de ceux des autres concours hippiques. Ici, les chevaux ont tendance à bien sauter et les couples à aller plus vite que d’habitude.
En ce qui me concerne, Spruce Meadows est l’un des plus beaux lieux de concours pour un chef de piste. La famille Southern, qui est propriétaire et qui exploite le site, est passionnée par le saut d’obstacles, et ça se voit. Rolex a apporté son soutien à Spruce Meadows il y a déjà très longtemps, avant même que naisse le Rolex Grand Slam of Show Jumping en 2013. J’adore dessiner des parcours pour le Rolex Grand Slam, et j’ai la chance d’avoir été présent la seule fois où quelqu’un a décroché le titre, Scott Brash ici-même en 2015. C’était l’un des plus beaux jours de ma vie professionnelle. J’ai aussi dessiné des parcours lors de deux éditions des Jeux olympiques, et travaillé pour d’autres, mais la victoire de Scott ce jour-là reste l’un de mes meilleurs souvenirs. L’atmosphère qui régnait autour de la Piste internationale était électrique. Scott était le dernier à sauter et durant son passage, on aurait pu entendre voler une mouche. Quand il a passé le dernier obstacle pour gagner le Rolex Grand Slam of Show Jumping, la foule a explosé. J’en avais la chair de poule.
Vous avez reçu un certain nombre d’obstacles en provenance des Jeux olympiques de Paris 2024, dont le Pont Alexandre III, pour les utiliser lors de cette édition du ‘Masters’. Parlez-nous de ces obstacles et des emblématiques éléments à votre disposition à Spruce Meadows.
Le Spruce Meadows ‘Masters’ a la meilleure collection d’obstacles au monde. La famille Southern a collectionné ceux-ci au fil des ans. Certains datent des Jeux olympiques des années 1970 et ont été si bien entretenus que nous les utilisons toujours aujourd’hui. Depuis, nous avons reçu des obstacles de la majorité des Jeux olympiques et Championnats du monde, et la collection a grandi. Sur cette grande piste, nous usons de barres longues fabriquées spécialement pour les obstacles. Cette année, j’ai hâte de pouvoir utiliser les obstacles des Jeux olympiques de Paris 2024.
Le CPKC ‘International’ Grand Prix présenté par Rolex du CSIO Spruce Meadows ‘Masters’ est souvent vu comme l’un des parcours les plus complexes au monde. Qu’est-ce qui en fait la particularité ?
Je suis un chef de piste relativement traditionnel. J’use de diverses distances : court, long, moyen... et j’inclus à la fois des obstacles ’lourds’ et ’légers’ pour mettre à l’épreuve les aptitudes du cheval et du cavalier à toutes les étapes. Les outils à ma disposition pour le Grand Prix CPKC ‘International’ présenté par Rolex sont parfaits pour cela. La collection d’obstacles est extraordinaire, et mon équipe fantastique. Cela fait plus de vingt ans que je travaille avec certaines personnes. Ensemble, nous formons un véritable orchestre où chacun a un rôle à jouer.
Cela me permet de créer un parcours complexe pour le Grand Prix CPKC ‘International’ présenté par Rolex, qui est pensé pour mettre les chevaux à l’épreuve sans jamais les mettre en danger. Trouver le juste équilibre entre la difficulté du parcours et le bien-être des chevaux, c’est là ma priorité absolue. Je garde toujours en tête la sécurité des chevaux. Si je peux me permettre de créer ce type de parcours, c’est grâce au talent des cavaliers et chevaux qui viennent concourir ici et qui sont prêts à affronter un parcours de concours hippique qui selon certains serait le plus difficile au monde.
Durant toute la semaine du CSIO Spruce Meadows ‘Masters’, je prépare les couples au Grand Prix du dimanche en les habituant progressivement à la piste et aux obstacles. Mon but n’est pas de faire peur aux chevaux, mais plutôt de leur faire gagner en confiance en amont de l’épreuve. Je suis connu pour mes parcours difficiles, en particulier le Grand Prix CPKC ‘International’ présenté par Rolex, et cela fait penser au public que tous mes parcours sont épineux. Mais ce n’est pas le cas ! Je connais simplement très bien cette piste et les obstacles à ma disposition, et je sais comment utiliser chaque recoin.
Parlez-nous du parcours que vous avez créé pour le Grand Prix CPKC ‘International’ présenté par Rolex ?
Le dimanche venu, pour le Grand Prix CPKC ‘International’ présenté par Rolex, nous utiliserons davantage de larges oxers que n’importe quel autre concours. C’est en raison des longues barres qui permettent aux chevaux de sauter plus large. Ils volent carrément !
Je suis d’avis qu’en intégrant de plus grosses largeurs, on rend le parcours plus ambitieux. L’épreuve de dimanche aura pour autre caractéristique l’utilisation d’obstacles naturels. Par exemple, nous avons un vrai bidet et une rivière naturelle, contrairement aux éléments artificiels utilisés dans d’autres concours. C’est ce qui fait du Grand Prix CPKC ‘International’ présenté par Rolex une épreuve très spéciale.
Cette année, lors de la première manche, et entre autres tracés difficiles, le triple se trouvera à un endroit délicat. Dans la seconde manche, qui fait participer les douze meilleurs couples, je monterai le parcours en fonction de la forme des chevaux et des conditions météo. Aujourd’hui par exemple, il fait très beau : ciel bleu, aucun nuage, bonne luminosité. Dans ces conditions, les chevaux sautent mieux. Dimanche, je devrai voir en fonction de comment se passe la première manche avant de définir le niveau de difficulté de la seconde.
Quels sont les principaux points à prendre en compte et les objectifs à atteindre lorsqu’on dessine un parcours ?
La base de tout parcours, c’est les chevaux. Lorsqu’on dessine un parcours de concours hippique, il faut avant tout se souvenir que certains chevaux sautent mieux sur la rêne droite, d’autres sur la reine gauche. Par conséquent, il faut bâtir un parcours équilibré. Certains chevaux préfèrent les verticaux, d’autres les oxers. Je ne répète donc jamais les mêmes combinaisons. Les grands chevaux aiment une plus grande distance entre les obstacles, les plus petits affectionnent les intervalles plus réduits. Je mêle donc courtes, longues et moyennes distances. Je tente de mettre les couples à l’épreuve de différentes manières, en faisant attention à ne pas privilégier un aspect plutôt qu’un autre.
À votre avis, comment le CSIO Spruce Meadows ‘Masters’ est-il devenu l’un des plus grands lieux de concours en Amérique du Nord ?
Ron Southern était un précurseur, et peut-être même l’une des personnes qui a su voir le plus loin. Il a toujours pensé à l’avenir et essayé de faire de son mieux pour Spruce Meadows. Linda et le reste de sa famille continuent dans ce sens et font tous les efforts possibles pour faire de Spruce Meadows le meilleur lieu de concours au monde. C’est ce qui en fait un endroit à part. Ron m’a beaucoup appris, tout comme Linda. Ils ont eu la générosité de partager avec moi des idées que je n’aurais jamais eu tout seul. Linda a toujours en tête les dix prochaines années, et c’est comment cela que s’est développé Spruce Meadows. Toute l’équipe souhaite en faire le meilleur lieu de concours au monde. Ce sont ces efforts qui font l’excellence du CSIO Spruce Meadows ‘Masters’. Pour rendre un lieu aussi spécial, un effort collectif est nécessaire.
Le Rolex Grand Slam of Show Jumping est né en 2013, il y a maintenant plus de dix ans. À votre avis, quel a été l’impact du Grand Slam sur le monde du saut d’obstacles ?
Le Rolex Grand Slam of Show Jumping a complètement transformé notre sport. Avant sa naissance, le saut d’obstacles était un sport intéressant mais quelque peu figé. Le Rolex Grand Slam a eu un impact profond, car les quatre Majeurs diffèrent des autres concours. Ils représentent le nec plus ultra de notre sport. Rolex a toujours joué un rôle important dans le monde du sport équestre, et cela même avant la naissance du Rolex Grand Slam of Show Jumping, mais cette initiative a marqué une hausse sensible du niveau. Elle pousse les cavaliers à viser les meilleures performances possibles sur les quatre concours.
Chacun des quatre Majeurs du Rolex Grand Slam of Show Jumping (le Dutch Masters, le CHIO d’Aix-la-Chapelle, le CSIO Spruce Meadows ‘Masters’ et le CHI de Genève) ont tous leurs particularités. C’est cette diversité qui en fait le piquant. On ne sait jamais qui sera le gagnant, tout le monde a une chance. Très peu de cavaliers arrivent à remporter régulièrement l’un de ces Grand Prix.
En dehors des concours hippiques, quelles sont vos passions ?
En dehors de mon métier, ma plus grande passion est ma famille. J’ai trois petits-enfants, un par mon fils et deux par ma fille, qui font ma joie. Je plaisante parfois en disant à mes amis que c’est dommage de devoir être père pour avoir le plaisir d’être grand-père ! J’aime aussi aller à la pêche et faire de la voile. Je n’ai plus beaucoup le temps, mais dans le passé j’étais un vrai passionné, je participais même à des régates de voile. Quand j’étais jeune, j’avais davantage le temps de faire des choses que maintenant !
Pourriez-vous vous présenter et nous dire en quoi consiste votre métier ?
Je m’appelle Will Lyles et je suis l’un des grooms de concours de Rodrigo Pessoa. Mon métier consiste à accompagner ses chevaux aux concours partout dans le monde et de m’en occuper une fois sur place.
Comment votre carrière a-t-elle commencé ?
J’ai commencé comme cavalier de concours, avant de réaliser que si je devenais groom pour un cavalier de haut niveau, je pourrai voyager partout dans le monde et me rendre aux plus beaux concours hippiques. J’ai donc changé de trajectoire et aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir accompagner Rodrigo aux meilleurs événements équestres, comme ici à Spruce Meadows.
Parlez-nous un peu des installations qui sont mises à la disposition des chevaux mais aussi des grooms au CSIO Spruce Meadows ‘Masters’...
C’est la première fois que je viens ici, mais pour l’instant je trouve que les aménagements pour les chevaux sont d’excellente qualité, avec de nombreuses aires de douche. Quant à nous les grooms, nous avons accès à tout ce dont nous avons besoin pour assurer le bien-être des chevaux. De plus, l’hôtel réservé aux grooms est tout près, c’est pratique.
Parlez-nous des chevaux dont vous vous occupez actuellement et des qualités de chacun…
Premièrement, on a Major Tom, le cheval de tête de Rodrigo. Ils ont concouru ensemble aux Jeux olympiques de Paris 2024 il y a deux semaines de cela. Il a beaucoup de caractère, il aime bien être le centre d’attention ! Mais avec tout le talent qu’il a, il le mérite bien.
Nous avons aussi avec nous cette semaine Dhalida, une jument de dix ans. Malgré sa taille impressionnante, elle va très vite. Et elle est très facile au box.
Quand je suis tout seul, il est plus simple de gérer deux chevaux seulement : leurs plannings ne se chevauchent pas trop, et je peux leur prodiguer les meilleurs soins en évitant la précipitation.
Comment faites-vous pour que les chevaux soient en top forme le jour J, en particulier après un long trajet ?
Je tente de faire en sorte qu’ils ne soient pas stressés, et je me tiens à leur routine habituelle, où que nous soyons et quel que soit le planning. J’essaie de garder les choses simples et comme elles sont d’habitude.
Avez-vous des habitudes ou gestes superstitieux bien ancrés au moment de la compétition ?
Je ne suis pas trop superstitieux, mais c’est vrai que si le premier cheval fait un sans-faute, j’ai tendance à réutiliser le même tapis de selle avec le deuxième ! Mais c’est tout, je le jure.
Rodrigo [Pessoa] est une légende du saut d’obstacles. Selon vous, qu’est-ce qui fait son succès ?
Il adore ses chevaux et son sport le passionne. Il a l’esprit de compétition, mais jamais au détriment de ses montures. Et il a tendance à ne pas compliquer les choses si elles n’ont pas besoin de l’être.
Quelles leçons avez-vous tirées de votre expérience à ses côtés ?
La principale leçon que Rodrigo m’a inculquée, c’est de ne pas faire trop compliqué. Par exemple, pendant la détente, il n’est pas nécessaire de sauter de très gros obstacles : l’objectif est simplement d’échauffer les muscles du cheval.
Quel conseil donneriez-vous à un groom en herbe ?
De se faire plaisir dans son métier, et de ne pas trop se prendre la tête après les journées difficiles !
En tant que groom, quelle importance revêt pour vous les Majeurs du Rolex Grand Slam of Show Jumping ?
Ce sont des concours formidables. Étant donné leur renommée et l’attente de résultat qui en découle, la pression est toujours un peu plus grande. Le CSIO Spruce Meadows ‘Masters’ est l’un des concours que je souhaitais absolument faire dans ma carrière, et je suis très heureux de pouvoir enfin exaucer ce vœux. J’espère maintenant pouvoir me rendre à d’autres concours importants. C’est magique de pouvoir emmener nos chevaux à des concours aussi prestigieux que le ’Masters’, dans l’espoir de faire une bonne performance.